1er septembre 2008             Chidan Vassigh*

cvassigh@wanadoo.fr

 

 

 

Vers un Iran laïque : Utopie ou réalité ?

 

 

1. Une théocratie particulière en Iran 

1.1 - Les cinq éléments de la théocratie iranienne.

1.2 - Les trois piliers ou principes de la laïcité.

1.3 - Laïcité comme seule alternative à la théocratie iranienne.

1.4 - Laïcité ou Sécularisation comme projet politique ?

2. Les obstacles au projet laïque en Iran?

2.1 - Le premier est d’ordre culturel.

2.2 - Le second est la force répressive de la machine théocratique en Iran.

2.3 - Le troisième est le fait que les mouvements sociaux n’affichent pas une identité laïque.

2.4 - Le quatrième est le fait la lutte pour la laïcité se limite aux seules forces de gauche.      

    2.5 - Le cinquième  est la difficulté de trouver l’équivalent persan du mot «laïcité ».

3. Vers un Iran laïque : utopie ou réalité?  propositions pour développer la lutte pour la laïcité.

 

 

Les trois questions que je voudrais poser ici et y apporter un début de réponse sont les suivantes :

- Pourquoi nous disons que la laïcité est une solution adéquate à la situation actuelle en Iran ?

- Quels sont les obstacles au projet d’une République laïque en Iran ?

- Que faire pour rendre possible un tel projet par des luttes populaires et des mouvements sociaux ?

 

1- Pourquoi la laïcité est la solution qui s’impose contre la théocratie iranienne?

D’abord il faut rappeler les éléments de cette théocratie particulière à l’Iran. Il y en a cinq.

 

1.1 - Les cinq éléments de la théocratie en Iran.

Tout le monde sait aujourd’hui et la Constitution de la République islamique le confirme haut et fort que le régime instauré en Iran depuis la Révolution antimonarchique de 1979, est une théocratie islamique dirigée par la caste des religieux et principalement par ceux qu’on appelle couramment les docteurs en lois islamiques, c’est-à-dire les Ayatollahs.

Les trois pouvoirs législatif, exécutif et judicaire… les lois, les institutions… bref toute la vie politique, sociale, culturelle etc. du pays est soumise aux normes islamiques ; Elle doit être strictement conforme à la Charia, aux prescriptions du canon islamique. S’il faut adapter les lois aux conditions de notre époque, ce sont toujours les mêmes ayatollahs qui peuvent en décider selon d’autres critères islamiques.

A la tête du pays se trouve le guide suprême, Velayat-e faghih, nommé par une assemblée des experts en lois islamiques (donc aussi des ayatollahs), «élue par le peuple» (sic). C’est lui qui détient le vrai pouvoir en Iran. Il est l’Imam de la communauté islamique (ommat eslam). Pour participer aux affaires du pays, au gouvernement, au parlement etc. il faut être reconnu fidèle à l’islam dans sa version Velayat-e-faghih. Pour être président de la République, il faut en plus appartenir à une des branches de l’islam, au chiisme duodécimain croyant aux douze imams. Cela veut dire qu’un sunnite iranien ne peut jamais devenir président de la République en Iran. Les iraniens de religion sunnite sont plusieurs millions. Ils sont kurdes, Baloutches, arabes etc.

On voit bien qu’en Iran, la soumission du pouvoir à la religion est beaucoup plus radicale que celle qu’existait en Occident, au temps du Moyen-âge. Si en Europe médiévale, ces deux pouvoirs, l’Etat et l’Eglise, formaient deux corps liés ou interdépendants, tout en gardant une certaine autonomie relative, en Iran d’aujourd’hui, il ne s’agit que d’un seul corps. L’Etat et la religion en Iran ne font qu’un.

Quelles sont, maintenant, les conséquences d’une telle théocratie poussée à l’extrême?

- Premièrement, la soumission de la société toute entière à la suprématie et à la domination d’une caste de religieux, qui, seule, peut décider de ce qui est bon ou mauvais pour la société, en conformité avec la loi divine, la charia. N’importe qui ne peut rentrer dans ce domaine réservé aux seuls experts. Ici, c’est la démocratie qui est radicalement abolie.  

- Deuxièmement, ceux qui n’ont pas de convictions religieuses, les athées ou les agnostiques, ou ceux qui, nombreux, ne sont pas chiites sont considérés comme des citoyens de second ordre. Ils sont exclus de certains droits civiques. Pour certains comme les Bahaïs, on les exclut de toute citoyenneté, s’ils veulent garder leur religion non reconnue par le pouvoir. Ici, on est en présence des discriminations fondées sur la conviction et la conscience des gens, la croyance ou non à une religion. Les droits de l’homme, sans distinction aucune, fondée notamment sur… la religion… sont purement et simplement bannis.

- Troisièmement, la soumission de la société à une doctrine théologico-politique unique, à un canon inchangeable pour l’éternité ou presque, car toute nouvelle interprétation ne peut être effectuée que par la caste religieuse elle-même. Toute idée, tout point de vue n’est pris en compte que s’il est conforme à l’islam établi. Ici c’est le pluralisme des idées et des convictions qui est mis au pilori.

- Quatrièmement, toutes les lois et les décisions étatiques, économiques sociales etc. doivent être impérativement conformes à la doctrine susmentionnée. Ici on est en face d’une véritable théocratie.

-  Cinquièmement, dans la charia islamique, dans tout canon de quelque religion que soit, comme dans tout système théologique ou philosophique d’antan, à une époque où les valeurs actuelles de l’égalité des droits entre les hommes et les femmes ou plus généralement la notion des droits de l’homme n’existait pas, il y a des règles et commandements discriminatoires, surtout à l’égard des femmes. Ici aussi on peut parler d’une théocratie qui ne peut être fondée que sur des discriminations principalement à l’encontre des femmes.

En résumé, on peut dire que les 5 éléments de la théocratie iranienne sont :

1° : La domination étatique d’une caste singulière ;

2° : La domination idéologique d’un système de croyances (islamiques et particulièrement chiites) ;

3° : Les exclusions civiques fondées sur l’appartenance ou non à une religion.

4° : Les multiples discriminations fondées sur la religion, particulièrement à l’égard des femmes ;

5° : La négation de la démocratie, du pluralisme et des droits de l’homme

 

1.2 - Les trois piliers ou principes de la laïcité.

Qu’est-ce-que la laïcité ? On sait bien que le terme est français. Que la laïcité, comme processus de la séparation de l’Etat et des Eglises (loi de 1905), est plutôt un phénomène français et que dans les autres pays européens, comme en Allemagne et les pays nordistes, on parle de la sécularisation comme processus de retrait du religieux de la sphère politique. Mais, comme a été dit dans une déclaration universelle sur la laïcité au XX1ème siècle, il ne faut pas considérer que « la laïcité est l’apanage d’une culture, d’une nation ou d’un continent particulier. Elle peut exister dans des conjonctures où le terme n’a pas été traditionnellement utilisé. Des processus de laïcisation ont eu lieu, ou peuvent avoir lieu, dans diverses cultures et civilisations, sans être forcément dénommés comme tels »(1).

La laïcité, telle qu’on l’a définie, est fondée sur trois piliers ou principes inséparables :

1-    Séparation de l’Etat et de la religion. Cela veut dire l’autonomie du politique et du service public à l’égard des normes religieuses. L’Etat et les institutions publiques doivent être libres d’élaborer démocratiquement des normes collectives sans qu’une religion domine le pouvoir ou puisse imposer ses critères, sa doctrine ou ses règles. L’indépendance de l’Etat (les 3 pouvoirs exécutif, législatif et judicaire) implique donc la dissociation de la loi  civile et des normes religieuses.  En ce sens, dans un régime laïque, il ne peut y avoir de religion d’Etat, ni d’une religion particulière reconnue par l’Etat ou d’une Constitution qui fait mention d’une religion officielle. La séparation de l’Etat et de la religion ne signifie pas que les croyants ne peuvent pas faire de la politique ou constituer des partis politiques, mais signifie que la religion et son canon, ne surplombent(2) pas l’Etat et la société civile, ne constituent pas des critères auxquels les affaires publiques doivent s’y conformer ou s’y référer. 

2-    Respect de la liberté de conscience et da sa pratique individuelle et collective. Ce respect implique la liberté d’adhérer à une religion ou à des convictions philosophiques (notamment l’athéisme et l’agnosticisme), la reconnaissance de la liberté de conscience individuelle, de la liberté de choix en matière de religion et de conviction. Il implique également que l’Etat, dans les limites d’un ordre public démocratique et du respect des droits fondamentaux, doit respecter l’autonomie et l’indépendance des religions sans intervenir dans leurs affaires.

3-    Enfin, le troisième principe ou pilier de la laïcité est celui de la non-discrimination directe ou indirecte, fondée sur la religion, envers les hommes. Dans un régime laïque, aucune discrimination n’est exercée contre des êtres humains, dans l’exercice de leurs droits, en particulier de leurs droits de citoyens, quelle que soit leur appartenance ou leur non-appartenance à une religion.

             

 1.3 - Laïcité comme seule alternative à la théocratie iranienne.

A la lumière de ce qu’on vient de dire au sujet de la situation en Iran et des principes de la laïcité, il nous semble que celle-ci est l’alternative la plus adéquate à la théocratie en Iran, pour des raisons suivantes :

- La laïcité en Iran met fin à la domination étatique du clergé islamique en séparant l’Etat et la religion. L’Etat ne se trouve plus légitimé par une religion, donc le clergé perd son rôle d’intervenir dans les affaires publiques.

- La laïcité en Iran met fin à la domination idéologique d’un système de croyances (islamique et chiite). Car il n’y a plus de religion d’Etat, ni de religion officielle reconnue par la Constitution. Toutes les décisions sur la vie et les affaires publiques sont prises par la délibération démocratique des citoyens, à égalité de droits et de dignité, sans qu’on soit contraint à trouver une quelconque légitimité d’une quelconque religion et de ses prescriptions.

- La laïcité en Iran élimine les bases de toute discrimination fondée sur l’appartenance ou la non-appartenance à l’Islam. Plus particulièrement toutes les lois et règles discriminatoires à l’égard des femmes qui ont un fondement religieux (ici, islamique), seront de facto abrogées dès que l’Islam et sa charia perdent leur qualité normative.

- Enfin, la laïcité dans un Iran démocratique et libre favorise le développement de la démocratie, le pluralisme et le respect des droits de l’homme.

Pour toutes ces raisons, nous préconisons pour notre pays l’établissement d’une république laïque sur la base des principes de la laïcité.

 

1.4 - Laïcité ou Sécularisation, comme projet politique ?

 Laïcité, à notre sens, est le concept le plus complet et sans équivoque, dans la lutte contre la théocratie iranienne. En effet, il y-a dans l’opposition progressiste iranienne, des partis et groupes politiques qui utilisent des termes comme la sécularisation ou tout simplement la séparation de l’Etat et de la religion. Or, je pense que toutes ses expressions ne rendent pas tout à fait le sens de la laïcité dans sa richesse.

Par exemple, on a vu que la laïcité ne se réduit pas à la séparation de l’Etat et de la religion, mais elle affirme deux autres principes importants : la liberté de conscience et la non-discrimination fondée sur la religion. On se rend bien compte que cet apport n’est pas minime dans la lutte contre la théocratie.

 De même, la sécularisation, connue surtout dans les pays à forte tradition protestante, chez les anglo-saxons, en Allemagne etc. est un terme ambigu qui veut dire plusieurs choses à la fois : la mondanisation (verweltlichung), chère à Hegel, du christianisme(3), le fameux désenchantement du monde de Max Weber (Entzauberung der Welt)(4), l’autonomie et la spécialisation des différentes sphères de la société (chez les sociologues anglais et américains du paradigme de sécularisation)(5) ainsi que la fin progressive de la domination de la religion et son retrait dans l’organisation de la société(6) … et bien d’autres définitions ou déterminations. En tout cas, ce qui est certain c’est que dans la sécularisation il n’y a pas et il n’a jamais eu de «séparation » de l’Etat et des Eglises. Dans la sécularisation, ces deux corps ne se « séparent» pas comme dans la laïcité. Ils s’évoluent et s’adaptent ensemble et en commun, non sans heurts, aux exigences du monde moderne. C’est pourquoi, tout en approuvant l’utilisation du terme de sécularisation dans un discours sociologique concernant «l’émancipation de la société à l’égard de la religion par l’évidemment du rôle de l’Eglise »(7), je pense qu’en matière du projet politique, c’est la laïcité (ou le régime laïque) qui est plus apte à formuler l’alternative politique face à la théocratie.

Cela dit, et par ailleurs, nous sommes bien conscients des difficultés d’une telle entreprise et des obstacles à surmonter.

 

2- Quels sont les obstacles au projet d’une République laïque en Iran?

 

2.1 - Le premier obstacle est d’ordre culturel. Par là on entend que la majorité des gens en Iran n’ont pas encore pris conscience que le gouvernement de la cité peut se passer de la religion pour diriger les affaires publiques. Que les citoyens peuvent décider de ce qui est bon ou mauvais pour eux, de s’autodéterminer, de participer à la res publica, par la délibération démocratique, sans être astreint à se référer à la charia islamique ou à s’y conformer. Qu’il n’y a aucune raison que les décisions qu’ils prennent ou les lois qu’ils établissent soient légitimés par une charia immuable, transcendante, qu’ils ne peuvent ni abroger et ni adapter ou interpréter eux-mêmes.

On est ici en présence de ce que Kant appelait, dans « Qu’est-ce que les Lumières ? » : « La sortie de l’homme de sa minorité dont il est lui-même responsable. Minorité, c’est-à-dire incapacité de se servir de son entendement (pouvoir de penser) sans la direction d’autrui, minorité dont il est lui-même responsable (faute) puisque la cause en réside non dans un défaut de l’entendement mais dans un manque de décision et de courage de s’en servir sans la direction d’autrui. Sapere aude ! (Ose penser) Aie le courage de te servir de ton propre entendement. Voilà la devise des Lumières..J’ai porté le point essentiel dans l’avènement des lumières sur celles par lesquelles les hommes sortent d’une minorité dont ils sont eux-mêmes responsables, - surtout sur les questions de religion. »(8).

Ou bien de ce que Marx disait au sujet du moment de l’émancipation humaine : « L'émancipation humaine n'est réalisée que lorsque l'homme a reconnu et organisé ses forces propres comme forces sociales…. »(9)

 

2.2 - Le second obstacle est la force répressive de la machine théocratique en Iran. Elle a concentré tout le pouvoir politique, militaire, économique etc. dans ses mains. Elle a ses forces répressives paramilitaires et une base sociale non négligeable bien que minoritaire qui la soutient.

 Il faut bien se rendre compte que la force du clergé islamique en Iran est beaucoup plus puissante et destructive que celle de l’Eglise au Moyen-âge ou à l’époque du cléricalisme en Europe. En Occident, il y avait toujours eu, et cela dès le début du Christianisme, deux pouvoirs : celui du césar et celui du Dieu (Etat et Eglise). Après la christianisation de l’occident, ces deux pouvoirs coexistaient dans l’interdépendance et la rivalité. Cette « séparation-rivalité » originelle a été un facteur favorable (parmi d’autres) à ce que le processus de la sécularisation ou de la laïcité en Occident, le processus de la décléricalisation puisse se développer et arriver à son terme au 19ème siècle. Or en Iran d’aujourd’hui, comme on l’a dit, il n’y a pas deux puissances rivales :  l’Etat et la Mosquée. Ces deux instances ne font qu’une dans la théocratie iranienne. Par conséquent le processus de laïcisation ou sécularisation va prendre un chemin plus long et plus rude.

Il est vrai que le clergé iranien est divisé et, en partie, opposé au régime actuel. Mais, malgré tout, face au danger qui met en péril la domination cléricale en Iran, tous ses membres s’unissent pour défendre l’Islam. Par conséquent, ceux qui luttent pour la laïcité, et en particulier, pour la séparation de l’Etat et de la religion s’exposent plus que quiconque aux foudres du régime. Car la laïcité, plus que n’importe quel autre mot d’ordre ou programme politique, est une flèche visant directement le cœur, le fondement de la machine théocratique. Bref, la crainte des laïques étant plus forte, la répression des laïques est aussi plus forte.

 

2.3 - Le troisième obstacle est le fait que les mouvements sociaux, pour ne pas s’exposer directement à la répression, n’affichent pas une identité laïque, ne mentionnent pas, dans leur discours et revendications, l’exigence de la séparation de l’Etat et de la religion. Par conséquent, tant que cet objectif ne devient pas une des revendications majeures des luttes du peuple iranien, les conditions de sa réalisation ne se mettent pas non plus en place.

 

2.4 - Le quatrième obstacle est le fait la lutte pour la laïcité se limite en grande majorité aux seules forces de gauche. Pour réussir, elle doit rassembler aussi d’autres forces (celles qu’on nomme « nationalistes » et « musulmans favorables à la séparation de l’Etat et de la religion »), tout comme en Occident où des forces no de gauche et une partie du clergé ont rejoint le processus de laïcisation. Mais en Iran, actuellement, cette évolution n’est sans trop d’ambigüités: les intellectuels les plus favorables à une telle séparation aspirent toujours à un certain « gouvernement démocratique religieux » qui, par son nom, déjà, ne se démarque pas totalement de la théocratie. On dirait qu’ils veulent garder dans le futur régime une certaine légitimité religieuse, ce qui est inadmissible dans le cadre de la laïcité.

 

 2.5 - Le cinquième obstacle  est la difficulté de trouver l‘équivalent persan du mot «laïcité ». il n’est pas facile d’intégrer le mot «laïcité » dans le discours politique iranien. D’une part, certains ignorants, en Iran, confondent la laïcité avec la lutte contre la religion, et d’autre part, en tant qu’une une invention française, le mot est intraduisible en d’autres langues. Or la majorité des intellectuels iraniens connaissent plutôt l’anglais. De même, les dissidents iraniens à l’étranger vivent en grande majorité dans d’autres pays que la France et ignorent la laïcité.

Par ailleurs, trouver un équivalent persan au mot «laïcité » n’est pas facile. Certaines tentatives pour le traduire par le mot arabe «orf » (règles issues de la tradition) en opposition à la charia ne convient pas du tout car le phénomène «orfi » (relevant du orf)  peut aussi provenir d’une tradition religieuse. Par ailleurs, ce mot est très réductible.

Malgré tout, nous pensons, qu’à la longue, un slogan du type «régime laïque», «système laïque» ou «république laïque », en précisant les trois principes d’un tel état, peut se populariser et rentrer dans le vocabulaire politique iranien comme les mots «démocratie », «oligarchie »,  «socialisme », « communisme », « impérialisme » ou  «libéralisme» etc. qui sont utilisés couramment.

 

 

 

3. Quelques propositions pour promouvoir la lutte pour la laïcité en Iran.

Nous pensons que pour promouvoir la lutte pour la laïcité en Iran il faut :

- Placer la question laïque, en pratique et en théorie, au centre des préoccupations politiques de l’opposition iranienne. Il faut prendre conscience que la question laïque, par son importance, est du même ordre, sinon plus, que la question des femmes, la question nationale… en Iran.

- Organiser, en Iran et à l’étranger, des conférences, séminaires, colloques ou débats sur les divers aspects de la laïcité en Iran – séparation de l’Etat et de la religion, les trois principes de la laïcité, le rapport de la laïcité avec les droits de l’homme, avec l’égalité femme-homme,  avec la démocratie, la république et les libertés – en faisant participer les acteurs politiques iraniens de l’intérieur et de l’opposition à l’étranger, les intellectuels, les spécialistes etc.

- Créer des comités et associations laïques, spécifiquement orientés vers la question laïque en Iran et se donnant pour tâche de populariser la lutte pour l’établissement d’une république laïque.

- Que les diverses organisations iraniennes, partis d’opposition, comités ou associations démocratiques, à l’intérieur et à l’étranger, inscrivent dans leur programme politique le principe de la laïcité ou d’un régime laïque et revendiquent un tel objectif. Certains d’entre eux préfèrent le mot «sécular» (séculier en anglais »). Il faudrait discuter avec eux pour se mettre d’accord, si possible, sur une formule appropriée et commune. Pourquoi pas séculier et laïque ?

- Organiser des discussions et débats avec les forces politiques autres que de gauche, comme les Melli-Mazhabis et les nationalistes de progrès (maossadeguistes), qui sont favorables à la séparation de l’Etat et de religion en Iran afin de développer à une échelle plus large la lutte pour une république laïque en Iran.

Nous terminons ici la liste des propositions qui, bien-sûr, ne sont pas exhaustives. A nos yeux, elles favorisent la diffusion de la culture laïque en Iran, culture qui n’a jamais existé auparavant et que le peuple iranien se doit donner lui-même.

 

 

Le régime islamique iranien mobilise tous ses moyens pour réprimer l’épanouissement des idéaux laïques en Iran. Mais, le peuple iranien, les femmes, les étudiants, les travailleurs, les intellectuels et d’autres couches de la population prennent de plus en plus conscience de la nécessité de réaliser en Iran les principes qui constituent ce que nous appelons la laïcité. Face à la théocratie iranienne, il n’y-a d’autres issues que dans le développement de tels principes. C’est par les luttes et mouvements populaires pour instaurer une République laïque, que le peuple iranien pourra mettre fin à trente ans de théocratie islamique.

 

1er septembre 2008

 

 

 

 

 

* Essayiste et militant politique iranien.

    Membre du Conseil provisoire des socialistes de gauche d’Iran et du

    Mouvement des républicains démocrates et laïques d’Iran

 

 

(1)   : Déclaration universelle sur la laïcité au XX1ème siècle. Voir Le Monde, article du 09.12.2005.

(2)   : Déclaration.. op. cit.

(3)   Hegel : Leçon sur l’histoire de la philosophie, tome 5, trad. Fr. P. Garniron, Paris, Vrin, 1978.

       L’Esprit du christianisme et son destin, trad. Fr. O. Depré, Paris Vrin, 1997.

(4)   Weber, Max : L’Ethique protestante et l’esprit du capitalisme, trad. Fr. J. Chavy, Paris, Plon, 1964.

(5)   Sur le Paradigme de sécularisation : voir notamment :

-          Wilson Bryan R., Religion in Secular Society, 1969, Penguin.

-          Dobbelaere Karel, Secularization: An analysis at three levels, Bruxelles, P. Lang, 2002

-          Blumenverg Hans, La légitimité des temps modernes, paris, gallimard, 2000.

(6)   Françoise Champion, Entre laïcisation et sécularisation, Le Débat, 77, 1993.

(7)   Ibid.

(8)   Kant Emmanuel, Qu’est-ce que les lumières ? P. 43 et 50, Flammarion, Paris, 1991.

(9)   Marx Karl, Sur la question juive, P. 373, Pléiade, Œuvres III, Philosophie.